samedi 16 mai 2009

Eric Guirado

Les auteurs et les créateurs sont dans une sérénité absolue, nous nageons dans le bonheur, nous avons de l’argent à profusion ! Ce que nous devions dire aux César n’est absolument pas caduque et reste malheureusement très actuel. Je n’ai pas pu dire ce discours que nous avions écrit à plusieurs et qui devait représenter ce que nous pensions un peu tous. Il n’y a pas eu de discours, mais la résonance de l’absence du discours et puis le courrier de Matthieu Amalric. Heureusement quand on empêche une certaine parole, cela crée, par des mécanismes étranges, une résonance bien plus forte.

Mais, je suis ici pour apporter mon expérience personnelle sur ce que cela veut dire quotidiennement et concrètement pour nous, réalisateurs, l’action culturelle. Je peux vous dire qu’avec le Fils de l’épicier, j’ai pu voir beaucoup d’acteurs relais et un réseau de salles très bien équipées. A l’opposé, nous rencontrons beaucoup de jeunes auteurs qui sont en moins bon état. C’est ce qui m’inquiète. Car sans auteur en bon état pour écrire des films pour ces salles en bon état… Je dis cela avec une certaine amertume, un grand nombre d’amis ne sont pas en bon état, et cela m’inquiète beaucoup.

Nous accompagnons les films et nous sommes face à une réalité : perdre notre statut. Moi, j’ai été bien accompagné par mon producteur et distributeur, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Nous avons de grandes difficultés à faire ce à quoi nous croyons le plus, ce que nous avons dans les tripes, qui est de rencontrer le public, défendre une certaine vie du cinéma, de la parole, du langage, de l’échange. Les cinéastes ne sont pas rémunérés pour faire un mois ou plus d’accompagnement de leur film. Si nous le faisons de bonne grâce sur un temps court, cela nous pose de réels problèmes : nous ne touchons pas de salaire, nous perdons notre statut, nous ne pouvons pas travailler, etc. Demain Unifrance n’aura pas beaucoup de réalisateurs à emmener à l’étranger, si aujourd’hui nous ne prenons pas en compte tous les aspects du problème.

Une autre remarque : j’ai été très touché par l’action culturelle et son réseau et je trouve que de nombreuses associations ne sont pas dans le collectif. Je ne comprends pas et je le regrette. Je voudrais dire quelle est ma vision de l’action culturelle. De la même façon qu’on vérifie si on a du réseau ou du wi-fi, on devrait avoir la même conscience pour les réseaux culturels : vérifier si cela passe. C’est comme le portable, s’il n’y a pas de réseau, ça ne passe pas et on peut toujours essayer d’appeler. L’action culturelle a du sens partout, même dans les endroits les plus petits, les plus reculés, car nous créons un lien, nous continuons à véhiculer une certaine vision de la culture et de l’échange. Nous continuons à pérenniser quelque chose qui peut sembler non moderne et qui pourtant l’est furieusement.