L’évaluation actuelle du travail des salles de cinéma serait-elle indexée, de manière sous-jacente, sur des notions de rentabilité et de résultats ? La question se pose… en tout cas au niveau de l’attribution des aides sélectives du compte de soutien par le CNC. En effet, nous soulevons les conséquences paradoxales du classement art et essai qui déclenche le système d’aides. Celui-ci s’établit principalement à partir d’un indice automatique qui correspond à la proportion de séances accordées à l’ensemble des films recommandés programmés, sans distinction entre les différents statuts des films et sans prise en considération des résultats de fréquentation effectués sur ces séances.
Ainsi, un film art et essai fragile, programmé sur de nombreuses séances, contribuera à faire classer une salle – même s’il n’a attiré que très peu de spectateurs, et qu’aucun travail d’accompagnement n’a été mené. Paradoxalement, ce même film, programmé une seule séance avec un réel travail d’accompagnement et un succès public, sera moins bien pris en compte par le classement. Paradoxalement toujours, c’est la program-mation d'un film art et essai porteur qui contribue le mieux au classement de la salle dans la mesure où il aura bénéficié de nombreuses séances.
Or, se contenter de diffuser des films recommandés, ce n’est pas faire de l’action culturelle. « Les aides à l’art et essai sont conçues pour récompenser une diffusion d’œuvres culturelles, et non pour récompenser un travail d’action culturelle. » L’action culturelle reste donc à la marge des questionnaires du CNC, évaluation qui mène à une uniformisation vers le bas dans le traitement du classement des salles de cinéma. Il est urgent de rappeler que non, toutes les salles, en l’occurrence classées, ne font pas le même travail. Que certaines projections organisées dans des granges, des cafés, des caravanes, etc. ont plus de succès qu’en salles de cinéma. La nature du travail doit être replacée dans son contexte local. De manière plus générale, ce traitement aveugle se retrouve à tous les niveaux : CNC, Etat, Régions et Départements – les municipalités quant à elles, plus proches des salles, font souvent le distinguo.
En outre, le versement de subventions à une salle de cinéma par les collectivités territoriales peut, dans le cadre de l’étude de son dossier par la commission nationale d’aide sélective à l’art et essai, jouer en sa défaveur.
Le raisonnement est alors le suivant : la commission de classement art et essai considère qu'il n'est pas nécessaire de reconnaître le travail au niveau de l'art et essai mené par une salle si elle est déjà subventionnée au titre de l’aménagement du territoire ou de la diffusion et de l’action culturelle. « Il y a des discours d’une telle violence contre l’utilisation de l’argent des collectivités locales que nous recevons, sans que jamais personne ne pense que nous n’utilisons pas cet argent pour faire ce que font les autres, mais pour faire autre chose. » Or, les objectifs nationaux pour « l’action culturelle » sont souvent différents des objectifs territoriaux.
Par ailleurs, si l’action culturelle menée autour des films recommandés est mal prise en compte, reste que l’immense champ formé par le secteur non-commercial, lui, n’est pas du tout pris en compte dans les dossiers d’aide sélective. Ce « véritable terrain d’expérimentation » a pourtant déjà été mis en relief dans le rapport de Michel Berthod sur l'exploitation cinématographique dite non commerciale début 2006. L’équation est simple : les recettes des œuvres diffusées dans le cadre du non-commercial ne sont pas assujetties à la TSA . Et le raisonnement corollaire : pas de remontées de recettes, donc pas de soutien. Dès lors, aux tenants du « toujours plus de films recommandés », nous pourrions répondre : oui, à condition de ne pas ouvrir davantage la liste des films recherche et découverte, jugée trop élitiste (ce qui est un faux débat), mais d’y inclure des films ignorés par le CNC : les films sans visa ou qui l’ont perdu. Dans le même ordre d’idées, la procédure de demande de visa temporaire, utile dans le cadre des festivals, mériterait d’être discutée.
Nous parlions plus haut d’égalité de traitement, encore faut-il qu’il y ait traitement tout court ! On ne souligne pas encore assez combien la salle de cinéma est victime de la non- reconnaissance de sa légitimité à intervenir dans l’action culturelle. Entendons-nous : il s’agit de sa légitimité au regard des politiques publiques en matière culturelle. Parce qu’elle est un agent économique à vocation commerciale sur un marché, comparée à d’autres lieux la salle de cinéma est discriminée par les pouvoirs publics.
Mais, au-delà de la question de la salle, c’est le cinéma lui-même, parce qu’il est un art « bâtard », plus populaire et plus commercial que d’autres, tirant derrière lui toute une industrie, qui ne jouit pas du même prestige que les autres arts dans les politiques culturelles.
Ainsi, un film art et essai fragile, programmé sur de nombreuses séances, contribuera à faire classer une salle – même s’il n’a attiré que très peu de spectateurs, et qu’aucun travail d’accompagnement n’a été mené. Paradoxalement, ce même film, programmé une seule séance avec un réel travail d’accompagnement et un succès public, sera moins bien pris en compte par le classement. Paradoxalement toujours, c’est la program-mation d'un film art et essai porteur qui contribue le mieux au classement de la salle dans la mesure où il aura bénéficié de nombreuses séances.
Or, se contenter de diffuser des films recommandés, ce n’est pas faire de l’action culturelle. « Les aides à l’art et essai sont conçues pour récompenser une diffusion d’œuvres culturelles, et non pour récompenser un travail d’action culturelle. » L’action culturelle reste donc à la marge des questionnaires du CNC, évaluation qui mène à une uniformisation vers le bas dans le traitement du classement des salles de cinéma. Il est urgent de rappeler que non, toutes les salles, en l’occurrence classées, ne font pas le même travail. Que certaines projections organisées dans des granges, des cafés, des caravanes, etc. ont plus de succès qu’en salles de cinéma. La nature du travail doit être replacée dans son contexte local. De manière plus générale, ce traitement aveugle se retrouve à tous les niveaux : CNC, Etat, Régions et Départements – les municipalités quant à elles, plus proches des salles, font souvent le distinguo.
En outre, le versement de subventions à une salle de cinéma par les collectivités territoriales peut, dans le cadre de l’étude de son dossier par la commission nationale d’aide sélective à l’art et essai, jouer en sa défaveur.
Le raisonnement est alors le suivant : la commission de classement art et essai considère qu'il n'est pas nécessaire de reconnaître le travail au niveau de l'art et essai mené par une salle si elle est déjà subventionnée au titre de l’aménagement du territoire ou de la diffusion et de l’action culturelle. « Il y a des discours d’une telle violence contre l’utilisation de l’argent des collectivités locales que nous recevons, sans que jamais personne ne pense que nous n’utilisons pas cet argent pour faire ce que font les autres, mais pour faire autre chose. » Or, les objectifs nationaux pour « l’action culturelle » sont souvent différents des objectifs territoriaux.
Par ailleurs, si l’action culturelle menée autour des films recommandés est mal prise en compte, reste que l’immense champ formé par le secteur non-commercial, lui, n’est pas du tout pris en compte dans les dossiers d’aide sélective. Ce « véritable terrain d’expérimentation » a pourtant déjà été mis en relief dans le rapport de Michel Berthod sur l'exploitation cinématographique dite non commerciale début 2006. L’équation est simple : les recettes des œuvres diffusées dans le cadre du non-commercial ne sont pas assujetties à la TSA . Et le raisonnement corollaire : pas de remontées de recettes, donc pas de soutien. Dès lors, aux tenants du « toujours plus de films recommandés », nous pourrions répondre : oui, à condition de ne pas ouvrir davantage la liste des films recherche et découverte, jugée trop élitiste (ce qui est un faux débat), mais d’y inclure des films ignorés par le CNC : les films sans visa ou qui l’ont perdu. Dans le même ordre d’idées, la procédure de demande de visa temporaire, utile dans le cadre des festivals, mériterait d’être discutée.
Nous parlions plus haut d’égalité de traitement, encore faut-il qu’il y ait traitement tout court ! On ne souligne pas encore assez combien la salle de cinéma est victime de la non- reconnaissance de sa légitimité à intervenir dans l’action culturelle. Entendons-nous : il s’agit de sa légitimité au regard des politiques publiques en matière culturelle. Parce qu’elle est un agent économique à vocation commerciale sur un marché, comparée à d’autres lieux la salle de cinéma est discriminée par les pouvoirs publics.
Mais, au-delà de la question de la salle, c’est le cinéma lui-même, parce qu’il est un art « bâtard », plus populaire et plus commercial que d’autres, tirant derrière lui toute une industrie, qui ne jouit pas du même prestige que les autres arts dans les politiques culturelles.