samedi 16 mai 2009

Alain Auclaire

Voir aussi l'atelier de la veille "Le rapport Auclaire, analyse critique"

Quelques mots sur l'élaboration du rapport, et sur les conditions dans lesquelles, me semble-t-il, il peut se lire. Premièrement, c’est un rapport que j’ai fait seul. J'ai répondu à une lettre de mission – qui est en annexe du rapport – qui est à la fois claire et très ambitieuse. Je me suis rendu compte assez rapidement qu'il y avait un certain nombre de sujets que j'étais mal placé pour traiter. Ce qui fait que, par exemple, je n'ai pas du tout abordé la question des espaces multimédia, parce que j’estimais que je manquais d’éléments pour le faire, que je n’étais pas compétent pour cela. Et j’ai donc préféré concentrer mon travail sur des sujets pour lesquels j’avais les moyens de la réflexion. Il y a un certain nombre d’organismes, de programmes sur lesquels j'ai été amené à ne pas me prononcer parce que, encore une fois, j’estime que je n’avais pas la capacité de proposer quelque chose qui aurait été à la hauteur de la demande qui m’était faite.

Deuxièmement, je me suis rendu compte que cette mission, que j'avais acceptée de grand cœur était un pari extrêmement risqué de par sa complexité exceptionnelle. En effet, il m’a fallu croiser les questions de culture, d’éducation, d’économie, de marché, de réglementation, de fonctionnement des services de l’Etat (déconcentration et décentralisation), de la nouvelle réglementation budgétaire (la LOLF ), etc. Tout ceci m’a contraint à circonscrire ma réflexion en-deçà de ce que la lettre de mission me demandait.

Troisièmement, j’ai voulu qu'il y ait un constat sur l’économie de l’action culturelle. Non pas pour en faire le procès, mais, d’une part, parce qu’il m'était demandé un état des lieux, et d’autre part, parce qu'il me semblait nécessaire de prendre position sur la question du rapport de l'action culturelle avec le marché du cinéma. Toute la politique du cinéma depuis la création du CNC repose sur cette ambigüité : marché / action culturelle, créa-tion / commerce et ainsi de suite. Et on entend depuis assez longtemps certains se poser des questions sur la pertinence d'un soutien à la culture de la part du CNC ou encore sur les conditions dans lesquelles l'Etat aide le cinéma à travers le compte de soutien. Sans entrer dans le fond du débat, ma position a été de dire que toute dichotomie, toute contradiction posée a priori entre le fonctionnement global du secteur cinématographique et le fonctionnement particulier de l’action culturelle est une fausse piste, que je rejette de manière constante. C'est dans cet esprit que j'ai produit un certain nombre de développements dans la première partie en insistant particulièrement sur des constats : par exemple sur l'évolution du public qui me paraît poser des problèmes de fond absolument nouveaux, à la fois sur la transformation des modes de consommation des publics et sur la transformation démographique des publics, et sur les conclusions qu'il fallait en tirer en matière d’action culturelle.

Quatrièmement, il me restait à faire des propositions. Je ne pensais pas avoir été schizophrène, j'avais plutôt le sentiment d'avoir été assez cohérent, entre l'analyse du début et les propositions de la fin. En revanche, il est vrai que je reste très dubitatif. Ce que j'ai souhaité faire, c'est apporter une contribution à la réflexion de l'administration mais je n'ai pas exprimé le point de vue du CNC ni celui du ministère ! J’ai exprimé le mien. Je souhaitais également apporter une contribution à la réflexion des professionnels.

Naturellement, je sais qu'il y a un certain nombre de points, comme celui qui a été cité par Antoine Leclerc concernant le choix des films dans les dispositifs, qui ne peuvent pas ne pas poser problème. Mais je ne pensais pas ne pas pouvoir aborder cette question alors même que la politique annoncée par Madame la ministre de la Culture consistait, quel que soit le quantum de l'effort, à donner une priorité à l'éducation des enfants au cinéma et à fixer des objectifs extrêmement ambitieux. Or, si nous nous donnons des objectifs ambitieux, il faut les resituer de façon globale et voir de quelle manière nous pouvons les traiter : est-ce que nous pouvons les traiter uniquement par un gonflement des dispositifs existants ou est-ce qu'il faut essayer de voir s'il n'y a pas d'autres moyens de le faire… Ces propositions sont donc des objets de discussion et de débat, je ne les concevais pas, bien entendu, comme des réponses définitives. Il me paraissait utile que la question de l'ouverture et de la porosité des systèmes soit posée.

Par ailleurs, il y a un certain nombre de propositions qui peuvent paraître symboliques, comme par exemple la dernière, l'organisation d'un colloque national sur l'éducation au cinéma. Mais, il m’est apparu utile, à l’occasion d’un moment historique, qu’il y ait débat avec l'ensemble des acteurs : que ce soient des artistes, des techniciens, des économistes, des administratifs ou des juristes.

Enfin, il y a d’autres partenaires qui ne sont pas présents, le ministère de l'Education nationale par exemple, d’abord l’administration du ministère – car nous ne savons pas très bien dans ce domaine quelle est sa priorité – et le corps enseignant. Or, nous avons besoin de les entendre eux aussi pour faire avancer les choses.